Ressources naturelles

Comment le Cameroun est à la pointe des exportations de bois durables

Le Cameroun s’est imposé comme un acteur clé du marché mondial du bois, combinant performance économique et engagement écologique. Avec 737 000 tonnes de bois précieux exportées en 2022, le pays a su transformer ses richesses forestières en moteur de développement, tout en adoptant des pratiques innovantes pour préserver ses écosystèmes. Cette réussite repose sur une stratégie multidimensionnelle : réglementations strictes, certifications internationales et investissements dans la transformation locale.

Une stratégie forestière structurée autour de la durabilité

Interdiction progressive des exportations de grumes

Depuis les années 1990, le Cameroun a progressivement restreint l’exportation de grumes (bois brut) pour favoriser la transformation locale. En 2023, les exportations de grumes ont chuté de 20 %, tandis que les sciages et produits finis représentaient 99,95 % des ventes totales. D’ici 2028, une interdiction totale des grumes sera appliquée dans la zone CEMAC, incitant les exploitants à moderniser leurs infrastructures.

Évolution des exportations de grumes
2021 : 958,3 m³
2022 : 746 m³ (-22 %)
2023 : 596 500 m³ (-20 % vs 2022)

Certifications et partenariats internationaux

Le pays mise sur des accords comme le FLEGT (Forest Law Enforcement, Governance and Trade) avec l’Union européenne pour garantir la traçabilité du bois. Depuis 2025, une exonération de 20 % sur les droits d’exportation est accordée aux produits certifiés « zéro déforestation », notamment le cacao, le caoutchouc et le bois. Cette mesure anticipe le Règlement européen sur la déforestation (RDUE), qui entrera en vigueur fin 2025.

Financements verts pour une transition écologique

Le partenariat avec l’initiative CAFI (Central African Forest Initiative) mobilisera 2,5 milliards de dollars d’ici 2035 pour :

  • Soutenir 300 000 producteurs agricoles via des subventions électroniques et des plans agroécologiques.
  • Protéger 18 millions d’hectares de forêts permanentes.
  • Moderniser les plantations de cacao et café grâce à la géolocalisation.

Transformation locale : un levier économique et écologique

Création de valeur ajoutée

Le Cameroun compte aujourd’hui 85 usines de transformation, générant des emplois et réduisant la dépendance aux matières premières brutes. Les essences stars comme le sapelli et l’iroko sont sciées sur place avant d’être exportées vers l’Europe (80 % des sciages), l’Asie et le Moyen-Orient.

Diversification des essences exploitées

Pour limiter la pression sur les espèces populaires, le pays promeut les essences moins connues (LKTS) telles que l’omvong ou le padouk. Cette approche préserve la biodiversité et répond aux exigences de la CITES, qui réglemente le commerce d’espèces comme l’afzelia depuis 2023.

Impact des taxes à l’exportation (2017-2024)
Droits sur les grumes : +343 % (17,5 % → 75 %)
Droits sur les sciages : +165 %
Recettes fiscales 2022 : 77 milliards FCFA

 Défis et innovations pour l’avenir

Lutte contre l’exploitation illégale

Des opérations comme FILTTRE (2020) ciblent le blanchiment de bois et optimisent les recettes fiscales. Cependant, des scandales, comme celui impliquant Fuh Calistus Gendry en 2023, rappellent la nécessité de renforcer la gouvernance.

Adaptation aux réglementations internationales

Le RDUE exige une traçabilité totale des produits. Pour y répondre, le Cameroun :

  • Déploie un système de géoréférencement des plantations.
  • Encourage l’agroforesterie pour réduire la déforestation liée au cacao (-30 % visé d’ici 2027).

Projets structurants financés par CAFI (2025-2027)

Projet Budget Objectif
Fonds cacao/café 20 M$ 92 000 ha de plantations durables
Gestion des forêts du Grand Mbam 20 M$ Séquestration de 5 Mt CO₂/an
Planification territoriale 6,4 M$ 3 régions pilotes (Centre, Sud, Littoral)
Économie verte 13,6 M$ 15 000 emplois verts créés

Conclusion : un modèle à consolider

Le Cameroun illustre comment concilier exploitation forestière et préservation environnementale. En misant sur la transformation locale, les certifications et l’innovation, le pays a augmenté ses revenus tout en réduisant son empreinte écologique. Toutefois, la lutte contre la corruption et l’élargissement des partenariats internationaux restent des priorités pour pérenniser cette réussite.