Pourquoi le Cameroun étend son secteur manufacturier pour les exportations mondiales
Le Cameroun renforce progressivement son secteur manufacturier pour s’imposer comme un acteur clé sur le marché mondial. Cette stratégie répond à une double nécessité : réduire la dépendance aux matières premières et tirer profit des opportunités offertes par la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf). Entre projets industriels ambitieux et politiques économiques structurantes, le pays mise sur la transformation locale pour booster ses exportations.
1. Diversification économique : une réponse à la volatilité des marchés
Le Cameroun, traditionnellement dépendant du pétrole, du cacao et du bois, cherche à stabiliser son économie face aux fluctuations des prix mondiaux. En 2025, les exportations d’hydrocarbures devraient chuter de 7,5 % en raison du vieillissement des champs pétroliers. Parallèlement, la production manufacturière a progressé de 1,58 % en 2023, reflétant une transition vers des activités à plus forte valeur ajoutée.
Tableau 1 : Évolution des exportations camerounaises (2023-2025)
Produit | 2023 (en millions de tonnes) | 2025 (prévisions) | Variation |
Hydrocarbures | 4,63 | 4,28 | -7,5 % |
Cacao | 266 725 | 284 595 | +6,7 % |
Produits manufacturés | 26,25 % des exportations | 54,5 % (objectif) | +28,25 % |
2. La Zlecaf : un accélérateur pour l’industrialisation
La Zone de libre-échange continentale africaine offre un marché de 1,3 milliard de consommateurs. Le Cameroun y voit une opportunité pour écouler ses produits transformés, comme les poutrelles métalliques de Prometal, dont la production passera de 200 000 à 300 000 tonnes annuelles d’ici 2025. Cette usine, la plus moderne d’Afrique subsaharienne, réduira de 50 % les importations de matériaux de construction.
Avantages clés pour le secteur manufacturier :
- Réduction des barrières douanières : Les entreprises locales peuvent concurrencer les importations asiatiques ou européennes.
- Spécialisation régionale : Le Cameroun vise à devenir le fournisseur de biens intermédiaires (clous, vis, fils machines) pour l’Afrique centrale.
- Attractivité pour les investissements : Le projet hydraulique de Nachtigal (420 MW) et l’expansion du port de Kribi sécurisent l’approvisionnement énergétique et logistique.
3. Infrastructures et innovations : piliers de la croissance manufacturière
Le gouvernement camerounais investit massivement dans des projets structurants :
a) Prometal 4 : symbole de la métallurgie moderne
Avec un investissement de 40 milliards de FCFA, cette usine produira :
- Des poutrelles et cornières pour la construction.
- Des fils machines pour l’industrie locale.
Impact économique : - Réduction du déficit commercial de 50 % dans le secteur du fer.
- Factures annuelles de 4 milliards de FCFA pour Eneo (électricité) et 1,6 milliard pour Gaz du Cameroun.
b) Soutien aux filières agricoles
La hausse de 6,7 % de la production cacaoyère en 2025 s’accompagne d’usines de transformation locales, limitant l’exportation de fèves brutes. La Vision 2035 prévoit de porter la part du secteur secondaire à 36,8 % du PIB.
4. Défis et solutions pour une industrialisation durable
Principaux obstacles :
- Dépendance énergétique : Malgré les centrales hydroélectriques, 30 % des industries souffrent de coupures fréquentes.
- Accès au crédit : 70 % des PME manufacturières peinent à financer leur fonds de roulement.
- Concurrence étrangère : Les importations chinoises inondent le marché local.
Stratégies gouvernementales :
- Politique d’import-substitution : Promotion du « Made in Cameroon » via des taxes incitatives.
- Partenariats public-privé : Le projet Ngovayang (minerai de fer) associe Jindal Steel & Power et l’État.
5. Perspectives 2025-2035 : vers une économie industrialisée
Le Cameroun table sur :
- Une valeur ajoutée manufacturière passant de 12,9 % à 25 % du PIB.
- Une multiplication par deux des exportations de produits transformés (54,5 % en 2030).
- L’intégration des technologies 4.0 (IA, IoT) dans la logistique et la production.
Conclusion
En misant sur le secteur manufacturier, le Cameroun transforme ses défis en leviers de croissance. Entre modernisation des infrastructures et adhésion à la Zlecaf, le pays se positionne comme un hub industriel incontournable en Afrique centrale. Reste à accélérer les réformes financières et énergétiques pour pérenniser cette dynamique.