Économie verte

Comment le Luxembourg évolue vers une économie sans carbone

Le Luxembourg, petit pays au cœur de l’Europe, s’est fixé un objectif ambitieux : atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Pour y parvenir, le Grand-Duché déploie une stratégie multidimensionnelle centrée sur les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et une transformation profonde des secteurs clés comme les transports ou la construction. Malgré des progrès notables, certains défis persistent, notamment liés à l’empreinte carbone globale et aux émissions importées.

Le Plan National Énergie Climat (PNEC) : une feuille de route renforcée

Adopté en 2020 et mis à jour en 2024 avec un chapitre REPowerEU, le PNEC vise une réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 (vs 2005). Les résultats intermédiaires montrent une baisse de 35,7 % des émissions nettes entre 2005 et 2023, dépassant la moyenne européenne de 30,5 %. Le fonds climat-énergie, doté de 120 millions d’euros annuels, finance des projets transversaux :

  • Décarbonation industrielle : subventions pour la capture de CO₂ et l’hydrogène vert.
  • Rénovation accélérée de 4 000 logements/an dès 2025.
  • Formation professionnelle dans les métiers verts (2 000 emplois créés en 2024).
Secteur Réduction 2005-2023 Part des émissions 2023
Énergie et industrie -82 % 12 %
Transport -43 % 31 %
Agriculture +3 % 7,2 %

Énergies renouvelables : une croissance accélérée mais inégale

Avec 20,5 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale en 2021, le Luxembourg vise 75 % d’électricité verte d’ici 2030, dont 39 % produite localement. Les avancées récentes incluent :

  • Hydrogène vert : partenariat avec l’Allemagne et la Belgique pour un réseau transfrontalier opérationnel en 2028.
  • Agrivoltaïsme : 15 fermes équipées de panneaux solaires en 2024, visant 200 MW d’ici 2027.
  • Éolien offshore : investissement de 500 millions d’euros dans des parcs en mer du Nord (participation à des consortiums internationaux).

Obstacles persistants :

  • Intermittence des sources : les jours sans vent ni soleil, le pays importe jusqu’à 85 % de son électricité.
  • Conflits d’usage des sols : seulement 0,6 % du territoire alloué à l’éolien terrestre.

Transport : vers une révolution multimodale

La gratuité des transports publics, instaurée en 2020, a réduit de 18 % l’usage de la voiture individuelle dans la capitale. Les nouvelles mesures phares :

  • Tramway transfrontalier : liaison Luxembourg-Ville/Metz (France) prévue pour 2027 (capacité : 50 000 passagers/jour).
  • Flotte électrique : 65 % des bus urbains seront électriques d’ici 2026, avec 1 200 bornes de recharge ultra-rapide installées en 2024.
  • Incitations fiscales : crédit d’impôt de 1 500 € pour l’achat de vélos cargo électriques.

Économie circulaire : un laboratoire d’innovation

La stratégie circulaire 2025 vise à réduire de 50 % les déchets municipaux grâce à :

  • Écoconception obligatoire pour les produits subventionnés par l’État (depuis 2023).
  • Plateforme Matériaux Luxembourg : bourse d’échange de rebuts industriels (12 000 tonnes valorisées en 2024).
  • PAN-Bio 2025 : triplement des surfaces agricoles bio (15 % visés contre 5,2 % en 2023).

Exemple concret : l’usine Circular Tech à Esch-sur-Alzette recycle 90 % des panneaux solaires en fin de vie, récupérant silicium et argent.

Agriculture et LULUCF : le parent pauvre de la transition

Le secteur agricole, responsable de 7,2 % des émissions, peine à se décarboner :

  • Élevage intensif : 78 % des exploitations sont orientées viande laitière, générant 45 % des émissions du secteur.
  • Stratégie Bësch : plantation de 200 000 arbres/an pour augmenter le puits carbone forestier (-376 ktCO₂e en 2020).
  • Méthanisation : seulement 3 unités en activité (12 GWh/an), loin de l’objectif 2030 de 40 GWh.

Défis structurels : l’ombre portée de l’économie globalisée

Malgré les avancées, le Luxembourg affiche une empreinte carbone réelle de 36,7 tCO₂eq/habitant (5,4 fois la moyenne mondiale), due à :

  • Émissions importées : 63 % du total, liées aux importations de biens manufacturés et d’énergie.
  • Exonérations fiscales : le kérosène aérien bénéficie toujours d’une TVA à 3 % (contre 17 % en moyenne UE).
  • Pression démographique : +46 % de population attendue d’ici 2035, augmentant la demande énergétique.

Conclusion : une transition en demi-teinte

Le Luxembourg montre une réelle avancée dans les énergies renouvelables (+92 % de capacité depuis 2019) et la mobilité électrique (18 % du parc en 2023). Cependant, les émissions importées, la dépendance énergétique et les lacunes agricoles rappellent que la neutralité carbone nécessite une refonte systémique. Les prochains jalons – généralisation de l’hydrogène vert (2028), taxation carbone aux frontières (2030) – détermineront si le pays peut concilier croissance économique et sobriété climatique.